Niccolò Paganini. Le Violoniste du Diable
Surnommé « Le Violoniste du Diable » Niccolò Paganini est particulièrement connu pour jouer sans partition, préférant tout mémoriser et pouvant jouer jusqu'à 12 notes par seconde. Comment pouvait-il jouer du violon de cette façon ? Etait-ce un don du diable ?
Ses débuts
Niccolò Paganini nait en 1782 à Gênes en Italie dans une famille modeste. Il est le troisième fils d'Antonio Paganini, docker qui arrondit ses fins de mois en jouant de la mandoline. Très vite, dès l'âge de 5 ans, il apprend la mandoline. Deux ans plus tard, il se met à étudier le violon, dressé toujours par un père autoritaire qui le contraint à jouer du matin au soir et le prive de nourriture lorsqu'il ne s'applique pas suffisamment. Et c'est ainsi que Paganini sera rapidement reconnu comme enfant prodige. Ses talents musicaux sont célébrés, ce qui lui vaut de gagner plusieurs bourses et des cours de violon avec des grands violonistes tels que Giovanni Servetto et Giacomo Costa. Il joue son premier concert public à 11 ans et, à 15 ans entame une tournée en Italie.
Cependant, Paganini souffrira très vite de dépression nerveuse. Il commence alors à boire excessivement et devient accro au jeu. Surchargé de dettes, il devient peu fréquentable : son nom devient synonyme de joueur et de coureur de jupons.
Une renommée grandissante
Malgré cette vie effrénée, Paganini continue de composer et de jouer. Il écrit son oeuvre la plus connue, les « Vingt-quatre Caprices », à partir de 1801. Ses « Caprices pour violon solo » démontrent et rendent populaire ses techniques modernes du violon, tels que les bariolages, les pizzicati de la main gauche et les doubles harmoniques. Il perfectionne également des trucages comme couper une ou deux cordes et jouer avec celles restantes.
Après avoir joué tout autour de l'Italie, la renommée de Paganini se répand et en 1828, il est fait Chevalier de l'Eperon d'Or par le Pape Léon XII. Ses techniques révolutionnaires marquent tous les esprits et ses oeuvres sont célèbres, tels que ses concertos pour violons, ses sonates pour violons et guitares, ses quatuors et ses séries de variations. Il reprend également avec succès les concertos de ses contemporains, comme Rodolphe Kreutzer et Giovanni Battista Viotti.
Une fois sa renommée et sa fortune établies, Paganini s'installe à Paris où il commande à Hector Berlioz une symphonie : « Harold en Italie ». Cependant, insatisfait de l'oeuvre pour orchestre et alto, il ne la jouera jamais. Il écrit alors sa propre oeuvre pour cet instrument : « Sonata per la Gran Viola ».
Une réputation qui lui nuit
On disait de Niccolò Paganini que lui seul pouvait faire rendre des sons étonnants à son instrument. On disait qu'il exécutait le tour de force de faire des montées et des descentes rapides de plusieurs octaves, des doubles harmoniques, des variations sur une seule corde. On disait également qu'il avait le don de donner à son instrument des sonorités de basson ou de voix féminines aiguës. Qu'il pouvait aussi combiner des pizzicati de la main gauche tout en jouant de la main droite, donnant ainsi l'illusion que deux violons jouaient en même temps et non un seul. Les prouesses de Paganini à son époque étaient telles que la rumeur courut qu'il avait passé un pacte avec le diable !
Un médecin américain, le Docteur Schoenfeld, intrigué par l'étrange virtuose mena une enquête médicale sur Niccolò Paganini. En effet, l'apparence du musicien était curieuse. Il était très grand, maigre, anguleux même, la peau de teinte cadavérique, il présentait de longs doigts osseux ainsi que des orbites creuses et un nez effilé. Les ligaments de ses épaules étaient très élastiques, ainsi que ceux des poignets, de l'avant-bras et des phalanges. Et le médecin personnel du musicien aurait précisé que Paganini avait un conduit auditif très profond. Il est fort probable que ce sont ces capacités physiques qui lui ont donné les moyens d'accomplir de telles prouesses musicales.
Le Docteur Schoenfeld remarqua également que l'homme avait les gros orteils anormalement longs, et une hyper extensibilité des ligaments. Paganini présentait également un sous-développement musculaire, entraînant une insuffisance du tonus musculaire et cardiaque, il avait de plus, une peau fine et très parcheminée. Cet ensemble d'éléments physiologiques décrit tout à fait… le syndrome de Marfan. Il s'agit d'une maladie récessive, due à une anomalie chromosomique.
Le fait aussi que le musicien s'habillait de façon curieuse; vêtements noirs et élimés, gilets jaune vif, etc... et qu'il avait bon nombre de mouvements excentriques surtout sur scène, contribuèrent également à former sa légende de « violoniste du diable ».
Une fin de vie dans le silence et le rejet
A partir de 1822, la santé de Paganini se détériore. Il est atteint de syphilis. En essayant de se soigner avec du mercure et de l'opium, il développe d'autres problèmes de santé, dont la tuberculose en 1834. De plus en plus faible, il arrête les concerts et les tournées et se consacre à l'enseignement du violon à Nice. En 1838, il perd la voix et s'éteint, quelques années plus tard, le 27 mai 1840, dans son appartement du Vieux Nice.
Malgré un testament qui réclame cent messes aux Capucins et recommande son âme « à l'infinie bonté de Notre Créateur », il est accusé d'impiété par l'évêque de Nice. Ce dernier lui interdit l'enterrement religieux ainsi que l'inhumation en terre consacrée. Le comte de Cessole, ami de Paganini fait alors embaumer le corps et l'expose. Et le corps est de nouveau pris pour l'incarnation du diable. C'est alors que la dépouille, va connaître un étonnant périple.
Le corps est successivement déposé à Nice dans la cuve à huile d'une propriété du comte de Cessole, à la pointe Saint-Hospice du cap Ferrat, au Lazaret de Villefranche. En avril 1844, il est transféré dans la maison paternelle de Paganini à Romairone dans le val Polcevera près de Gênes, puis à la villa Paganini à Gaione près de Parme en 1853. En 1876, soit 36 ans après sa mort, le pape Pie IX ayant réhabilité Paganini, le corps est enfin transféré solennellement au cimetière de la Steccata à Parme, puis à la suite du déclassement de ce dernier 20 ans plus tard, dans un monument au centre du cimetière de la Villeta de Parme.
La communauté musicale étant saisie de doute, après un tel périple, sur l'authenticité du corps, le cercueil est ouvert en 1893 en présence de son fils et du violoniste František Ondříček et en 1896, puis en 1940 à l'occasion du centenaire de la mort de l'artiste.
Il aura ainsi fallu 100 ans au prodige Niccolo Paganini avant de pouvoir dormir en paix.
Alors « Violoniste du Diable » ou « Violoniste Précurseur » ?
Que faut-il en penser... à vous de juger !