Lustig, il vendit la tour Eiffel
Victor Lustig (1890-1947) est né en Bohème en Autriche/Hongrie. Il est issu de la bourgeoisie. Il a eu la chance de recevoir la meilleure éducation dans les collèges les plus réputés et était incontestablement doué pour les matières littéraires et pour les langues au point qu'il en parlait au moins cinq. Ses professeurs ne tarissaient pas d'éloges à son égard. En effet, il était remarquablement brillant et possédait tous les atouts pour devenir un grand avocat.
Mais voilà, à 19 ans Victor ne l'entendait point de cette oreille et ne voulait pas devenir avocat. Une fois ses études terminées, il entretient le désir ardent de réussir et tout de suite.
C'est ainsi qu'un jour sans prévenir quiconque de son départ, il s'en alla pour Paris avec cette idée fixe en tête : faire fortune et par n'importe quel moyen...
Nous sommes en 1909, la Belle Epoque à Paris. Endroit rêvé pour les audacieux, surtout lorsqu'on est beau garçon, sans scrupules et intelligent comme lui. Il décide alors de se lancer dans un marché particulièrement rentable, le proxénétisme. Mais il se rendra vite compte que la violence du milieu ne correspondait pas à ses principes personnels. Il se fera sauvagement agresser par un concurrent alors il se trouva un autre lieu propice pour son « travail ».
Pendant quelques années il croise entre New York et Paris sur grands vapeurs transocéaniques. Un ami lui a appris comment arnaquer quelqu'un de manière à ce que la personne se prenne seule au piège et puisse n'en vouloir qu'à elle-même.
Lustig appliqua ses multiples talents au poker et gagna fructueusement sa vie de fraudeur et de tricheur.
Il cessa ses activités de joueur/voleur en 1914. La guerre menaçant les bateaux, le lieu n'était plus idéal pour continuer ses activités. Il voyagea jusqu'au Nouveau Monde. Une fois en Amérique, ses manières raffinées et élégantes, pour ne pas dire européennes, firent des ravages.
Bien entendu, il usera au maximum de son charme et ses tactiques de fraudeur restaient les mêmes : il s'arrangeait toujours pour que la victime ne soit pas juridiquement une victime, faisant en sorte qu'elle se piège elle-même. Ainsi la « victime » ne pouvait pas porter plainte et l'accuser d'escroquerie, ayant trop honte d'avoir été une victime naïve.
Ces sanglantes années de guerres qui avaient marqué le monde, il les avait passées dans une prison d'Amérique, écroué pour avoir escroqué un directeur de banque dans une affaire immobilière, mais Victor n'en avait cure. Il était quelque peu dénué de sens moral et cela contrastait singulièrement avec son intelligence remarquable.
En 1925, Victor Lustig à Paris les poches pleines du butin de ses escroqueries menées sur le continent américain. Ayant dilapidé sa fortune dans les endroits prestigieux de la ville, il se remet à travailler, enfin à sa manière d'escroc bien entendu...
Au hasard d'une lecture dans un journal, l'attention de Victor est attirée par le titre d'un article. La ville de Paris doit faire réaliser des travaux d'entretien de la tour Eiffel et leurs coûts importants suscitent le débat au point qu'un journaliste s'interroge sur l'opportunité ou non de vendre la tour Eiffel.
Une idée incroyable germe alors dans l'esprit tordu d'escroc qu'avait Victor. Il prit la décision de vendre lui-même la Tour Eiffel. Aussitôt dit aussitôt fait. Après une petite visite sur les lieux pour admirer l'objet de sa future transaction, il fait jouer quelques relations du milieu des faussaires pour se procurer du papier à en-tête de la Ville de Paris.
Sur le papier à en-tête de la Ville, il convoqua dans un palace, cinq des plus grands ferrailleurs français, « Pour une affaire susceptible de les intéresser ». Il prétendit être l'adjudicateur de la Ville de Paris et d'agir à la demande du Président de la République Gaston Doumergue et du Président du Conseil en fait le Premier Ministre. Les ferrailleurs écarquillèrent les yeux lorsque Victor Lustig leur offrit d'acheter sept mille tonnes d'acier du monument. Il agissait avec une grande assurance et impressionnait toujours ses interlocuteurs naïfs.
En leur demandant bien sur la plus grande discrétion sur cette transaction, Lustig emmène le groupe sur le lieu dit. La visite de la Tour Eiffel avec les cinq ferrailleurs est le summum de sa carrière d'escroc. Il risquait gros, vendre la Tour Eiffel, il jouait son plus beau rôle et savait pertinemment qu'à chaque instant tout pouvait éclater et qu'il risquait de se faire démasquer.
Avec une ridicule carte de visite bariolée de trois lignes tricolores, dépassant sans gêne la foule de gens qui faisaient la queue pour acheter leur billet, il impose son bout de papier à la vue du vendeur surpris et lui dit d'un ton ferme et sans hésiter Ces messieurs m'accompagnent. Crédule, l'employé les laisse passer. La visite se passe et la première étape du stratagème est accomplie.
Huit jours après, Lustig reçoit une première offre d'achat pour les sept mille tonnes d'acier. Sans attendre que les autres propositions s'annoncent, il accepte la première et donne à nouveau rendez-vous au ferrailleur qui désirait acheter l'acier.
Le montant qu'offrait le ferrailleur à Victor Lustig est malheureusement ignoré de l'histoire. N'oubliez pas la stratégie d'une vraie tromperie, faire en sorte que la victime se piège elle-même, ainsi la « victime » ne peut pas porter plainte pour escroquerie, ayant trop honte d'avoir été un pigeon naïf.
Victor avait déguerpi le lendemain de la transaction et le ferrailleur n'a pas porté plainte. Le candide acheteur André Poisson fut l'objet de la risée générale, et Victor Lustig entrait dans le cercle fermé des génies de l'escroquerie.