Voyage avec les chamans
Aujourd'hui cet aspirant chaman va faire son premier « voyage ». Allongé sur le sol dans une pièce plongée dans l'obscurité et en compagnie d'une dizaine d'autres novices, il ferme les yeux. Il doit visualiser une entrée sous terre dont il se souvient comme une grotte, un puits ou un taillis au fond d'un bois...
Dans la pièce, un tambour se met à battre de façon continue et obsédante, tandis que l'aspirant chaman porté par le rythme du tambour franchit par l'esprit une entrée souterraine, traverse un long tunnel puis des cercles concentriques de lumière et d'obscurité. Il a l'impression de flotter à l'intérieur de la terre quand soudain... un point de lumière apparaît au loin, c'est la sortie !
Il se retrouve sur une plage tropicale entouré d'une végétation luxuriante sous un ciel bleu où volent des oiseaux de toutes les couleurs. Et le tambour se tait. Bref c'est l'extase, le paradis quand soudain... quatre coups brefs donnent le signal du retour et les battements du tambour reprennent très saccadés. Notre futur chaman doit se dépêcher, contre son gré, de refaire le chemin en sens inverse quand soudain... quatre coups retentissent à nouveau. Puis c'est le silence. Le voyage est terminé. Il n'a duré que 10 minutes.
Petit complément : Danse et transe dans la nuit des temps
Sur tous les continents, les chamans traditionnels ou contemporains pratiquent les mêmes rituels séculaires :
- l'utilisation du tambour et de la danse pour induire l'état de transe
- l'adoption d'un animal totem
- le « voyage » vers d'autres mondes
- la guérison des maux physiques et mentaux.
Le tambour et la danse
Le tambour plat est typique de la cérémonie chamanique. Sa sonorité régulière et obsédante favorise la transe et les visions. Lorsque le tambour commence à jouer, il démarre sur une cadence proche de celle du coeur pour ensuite se stabiliser à une cadence légèrement plus rapide. Ce rythme et ce son sourd servent à réveiller la mémoire cellulaire et ancestrale.
Bien plus qu'un instrument, le tambour est souvent considéré par le Chaman comme sa monture, son cheval vers le « Monde de l'Invisible », son moyen de communication avec les esprits.
Le chamanisme animal
Le chamanisme de chasse a pour but de répondre à un besoin essentiel : trouver du gibier. Certains peuples de Sibérie ou d'Amérique du Nord vivant de la chasse ont conservé ses fonctions primitives. Ils croient que les animaux sont animés par des esprits. Le chaman les rejoint dans le monde non sensible de la « surnature ». Pour ce faire, il doit lui-même se transformer en animal et épouser la fille de l'esprit donneur de gibier soit l'esprit de la forêt, qui lui servira de guide. Cet esprit a souvent la forme d'un cerf. De son épouse, à l'aide de séduction et de ruse, il obtient des promesses de gibiers.
Le chamanisme est marqué par des changements et des mutations lorsque la chasse cède le pas aux activités agricoles et d'élevage. La survie de la communauté ne dépend alors plus des esprits des animaux, mais des esprits ancestraux. Le monde des esprits, auparavant confiné à la forêt, s'étire vers le haut et le bas, vers ce qui deviendra le Ciel et l'Enfer. Ce monde est souvent perçu comme étant une échelle à barreaux ou encore parfois un arbre avec ses branches et ses racines.
Le chaman est celui qui a la capacité de monter et de descendre le long de ces différents niveaux de réalité, de rencontrer des esprits des mondes supérieurs et inférieurs et de ramener de son voyage conseils, soins et pouvoirs magiques.
Le voyage spirituel
Le chaman contacte l'au-delà grâce à des esprits auxiliaires, souvent des animaux ; il s'accompagne d'un tambour destiné à préparer son voyage mystique et entre en transe.
La transe est obtenue par une hyperstimulation sensorielle essentiellement sonore et visuelle et/ou par certaines drogues spécifiques. L'ascension se réalise par le truchement d'un arbre ou d'un poteau symbolisant l'Arbre ou le Pilier cosmiques. En entrant en transe le chaman s'affranchit des limitations de l'espace, du temps et de sa personnalité pour effectuer des voyages spirituels au cours desquels il communique avec des esprits souvent zoomorphes.
Le chaman lui-même adopte généralement les caractéristiques d'un animal puissant, tel que l'aigle ou l'ours en Amérique et en Asie Septentrionales, le jaguar en Amérique Centrale et du Sud, le lion ou la panthère en Afrique.
Les nombreux mythes nés du chamanisme évoquent très fréquemment un pilier ou un axe mystique, souvent semblable à un arbre aux vastes branches, permettant d'explorer les régions supérieures ou inférieures du cosmos.
La guérison physique
La guérison chamanique repose chez tous sur un principe identique : le chaman est considéré comme étant en capacité d'agir dans le monde non-ordinaire lequel est plutôt perçu comme contigu, omniprésent, pénétrant et englobant tout à la fois. Par la force de ses pouvoirs et de ses connaissances, il entre dans un combat visant à rétablir un équilibre précédemment rompu. Chez les Sibériens, les chamans parlent plus volontiers d'aller récupérer l'âme perdue ou volée du patient. En Amazonie, le corps vu en transparence trahit une zone obscure, le chaman aspire par la bouche l'énergie néfaste qui s'y est nichée, il doit ensuite la neutraliser avant de la rejeter dans l'univers.
Guérisons instantanées, lésions se refermant à la vitesse de l'esprit, les chamans aux limites de leur alliance avec l'univers parviennent à réaliser des miracles, mais doivent aussi parfois renoncer, lorsque la mort s'approche de trop près. Endossant alors leur rôle de guide spirituel, c'est de nouveau avec les vivants qu'ils s'apprêtent à travailler pour leur faire accepter la mort d'un proche. Car il faut maintenant se préparer à aider le futur défunt à quitter son enveloppe charnelle.
Que faut-il en penser... à vous de juger !