Robert Nixon. Le laboureur visionnaire
Robert Nixon, un paysan qui passait pour un idiot de village, naquit en Angleterre, vers 1467, dans une ferme du Cheshire. Dès qu'il fut en âge de travailler, on l'employa comme laboureur, le jugeant trop stupide pour toute autre besogne. Silencieux le plus souvent, il se mettait quelques fois à marmonner des mots inintelligibles, qui semblaient une preuve supplémentaire de sa débilité mentale.
Un jour qu'il labourait un champ, il s'arrêta, jeta des regards étranges autour de lui et s'écria : Alors, Dick ? Alors, Harry ? Oh, pas de chance, Dick ! Oh, bien joué Harry ! Ces exclamations, moins cohérentes que d'habitude, mais cependant incompréhensibles, intriguèrent les compagnons de Robert, qui en découvrirent le sens le lendemain : au moment même où Robert avait proféré ces mots bizarres, on apprit que le roi Richard III (Dick) avait trouvé la mort à la bataille de Bosworth, et que le vainqueur, Henry Tudor (Harry), avait été proclamé Henri VII d'Angleterre.
Peu de temps après, la renommé du jeune homme parvint jusqu'aux oreilles de Henri VII, qui fut curieux de le connaître. De Londres, il dépêcha un envoyé qui devait amener le paysan au palais. Robert, avant même que le messager ne quittât la cour, sut qu'on allait venir le chercher et, saisi d'une grande frayeur, courra comme un fou dans les rues du village, criant que le roi le mandatait et qu'il allait le faire mourir de faim.
Henry VII entre-temps, avait résolu d'éprouver le jeune prophète, et quand Robert lui fut présenté, il feignit un grand trouble, prétendant qu'il avait égaré un diamant d'une grande valeur. Robert serait-il capable de le retrouver ? Le paysan répondit calmement par un proverbe : Celui qui a caché retrouve. Le roi qui, en effet, avait caché le diamant fut grandement impressionner et donna l'ordre de consigner tout ce que dirait le jeune homme. Ses paroles, dûment interprétée, prédirent les guerres civiles anglaises, la mort ou l'abdication des rois et la guerre avec la France.
La prédiction qui concernait la personne même du visionnaire était la plus invraisemblable : il devait mourir d'inanition au palais. Pour le calmer, le roi donna l'ordre de lui servir tout ce qu'il voulait, et quelle que fût l'heure, ce qui fit beaucoup d'ennemis au jeune homme dans les cuisines royales, où on lui enviait fort ce privilège.
Or, un jour, le roi quitta Londres, laissant Robert à la garde d'un chambellan. Celui-ci, pour mettre son protégé à l'abri de la malveillance des domestiques, l'enferma dans le propre cabinet du roi. Mais le chambellan fut à son tour appelé hors de Londres pour une affaire urgente, et il partit, oubliant de laisser la clef et des ordres pour libérer Robert. A son retour, il trouva le jeune homme mort de faim !!!
Que faut-il en penser... à vous de juger !
Références :
- Mysteries of the unexplained, Sélection du Reader's Digest, 1985, p. 16-17
- Extraordinary Popular Delusions and the Madness of crowds, Charles Mackay, p.277-280