Texte à méditer :   L'histoire est du vrai qui se déforme, la légende du faux qui s'incarne.   Jean Cocteau

Han van Meegeren, peintre et faussaire

Han van Meegeren serait l'un des faussaires en art les plus adroits du 20ème siècle. Sa vie est liée à la renommée de Johannes Vermeer (1632-1675), peintre baroque très prisé des grands collectionneurs à partir de la fin du 19ème siècle.




Ses débuts en tant que peintre
Né en 1889 aux Pays-Bas, Han Van Meegeren développera très vite une âme d'artiste. Cette passion, pour laquelle il possède des qualités notables, n'est cependant pas partagée par son père, qui l'obligera à suivre des cours d'architecture dans une école réputée de Delft. Han se lassera très vite de cette étude imposée.
Il commença alors une carrière de peintre en pratiquant l'art moderne. Il en fut vite ennuyé et se sentit attiré par les couleurs et les perspectives décadentes de certaines peintures du siècle d'or néerlandais*. La qualité de son coup de pinceau lui permettait, en effet, de percer et d'envisager une carrière honorable. Mais voilà, son talent ne fut pas bien reçu par la critique, qui jugera ses peintures recyclées et déjà-vu.
Han Van Meegeren ne le supporta pas. Convaincu d'être un génie incompris, il entendit bien le faire savoir.

siècle d'or néerlandais : Le Siècle d'or néerlandais désigne la période comprise entre 1579 et 1702 qui vit la république des Provinces-Unies se hisser au rang de première puissance commerciale au monde. C'est alors que de nombreux écrivains, artistes et érudits s’établirent là-bas et contribuèrent au développement culturel et artistique de ce pays. C’est dans ce contexte que les plus grands peintres des Pays-Bas produisirent.


De peintre incompris à faussaire
Par vengeance envers ces critiques qui le traitent d'imitateur, van Meegeren décide de se faire faussaire. Pendant 6 ans, il assimile les techniques, les styles et les couleurs de peintres connus, se plongeant même dans leur biographie pour connaître les outils et recettes des peintures utilisées dans la confection des plus grands chefs-d'oeuvre.
Parmi les premiers faux de van Meegeren, on en compte des peintres Frans Hals, Pieter de Hooch et Gerard ter Borch, trois artistes de l'Âge d'or de la peinture néerlandaise, période, come on le sait, qu'il affectionne particulièrement.
En réussissant les faux les plus parfaits que le monde ait connus, notre héros se venge doublement : il se venge de son père, qui, dans sa jeunesse, lui a mis des bâtons dans les roues pour lui ôter l'envie de peindre ; mais il se venge aussi des critiques d'art qui ont refusé de le considérer comme un grand peintre.


Fascination pour les oeuvres de Johannes Vermeer
Fasciné par les oeuvres de Johannes Vermeer, peintre du 17ème siècle dont on ne connaît à l'époque qu'une vingtaine de tableaux profanes, Hans Van Meegeren décide alors qu'il va « inventer » la peinture religieuse que le grand maître aurait pu faire de son vivant. Il ne va pas « copier » du Vermeer, mais créer « du Vermeer ».
Durant plusieurs années, il peaufine sa technique pour imiter Johannes Vermeer à la perfection: choix de la toile et des pigments, usure du temps, craquelures de la peinture, et même poussière dans les interstices… Hans Van Meegeren n'a qu'un objectif en tête à ce moment-là... prouver au monde entier le caractère ignare des critiques d'art, et étaler son propre génie.
Van Meegeren va donc faire des faux. Pas de vulgaires copies d'oeuvres existantes mais des toiles originales censées avoir été peintes par Vermeer et jusqu'ici demeurées secrètes. Parmi ses premiers faux, inspirés de Johannes Vermeer, Han produit Femme lisant de la musique (1934), et Femme jouant de la musique (1935-36). Le faux le plus célèbre de van Meegeren, Les Disciples d'Emmaüs (1936-37), trompe tous les experts d'art de l'époque, dont Abraham Bredius, célèbre connaisseur de Vermeer. En une dizaine d'années, le virtuose de la copie va réaliser treize faux, dont sept Vermeer.



Les Disciples d'Emmaüs


Faussaire durant la Seconde Guerre Mondiale
Durant la Seconde Guerre mondiale, la carrière de van Meegeren connaît son apogée : ses oeuvres sont exposées dans les plus grands musées d'Europe. La vente de ses faux fut facilitée par l'occupation allemande aux Pays-Bas. De riches Néerlandais, voulant empêcher que les œuvres d'art de leur pays tombassent aux mains d'Adolf Hitler et de membres du parti nazi, se ruaient avidement sur les imitations. Un faux « Vermeer », oeuvre de Han van Meegeren, Le Christ et la parabole de la femme adultère (1941-42), se retrouva en possession d'Hermann Göring, homme politique et figure militaire importante de l'armée allemande.



Le Christ et la parabole de la femme adultère


Son arrestation et son procès
A la Libération, les Alliés découvrent un de ses fameux Vermeer dans la collection du dirigeant nazi Hermann Göring. L'enquête permet de relier Van Meegeren à ce tableau sulfureux. Han Van Meegeren est arrêté et emprisonné par les autorités néerlandaises, pour avoir collaboré avec les occupants allemands et vendu d'authentiques oeuvres d'art néerlandaises à l'ennemi. Devant ces accusations, van Meegeren préfère se déclarer comme faussaire, et produit devant la cour le dernier de ses faux Vermeer, Le Christ au temple (1945).
À la suite d'une enquête détaillée, menée par des experts internationaux commissionnés par la cour régionale de justice d'Amsterdam, il fut confirmé que la peinture de Göring ne pouvait pas dater de l'Âge d'or néerlandais et qu'elle était en réalité un faux. Han van Meegeren ne fut plus voué aux gémonies comme collaborateur, mais célébré par le public néerlandais comme un escroc subtil, dont les faux avaient réussi à duper à la fois les experts et le très détesté Hermann Göring. La cour régionale de justice d'Amsterdam n'en condamna pas moins Han van Meegeren pour faux et tromperie, mais se contenta de la peine minimale, un an de prison. Van Meegeren ne l'accomplit d'ailleurs jamais puisque le 26 novembre 1947, dernier jour pour faire appel de la décision de justice, il fut victime d'une crise cardiaque et envoyé dans un hôpital d'Amsterdam, où il mourut le 30 décembre 1947.

  

De faussaire à peintre de talent...
Que faut-il en penser... à vous de juger !


Date de création : 27.03.2021 » 10:07
Catégorie : Histoires Insolites - Escrocs. Arnaques. Canulars
Page lue 3525 fois

Réactions à cet article

Personne n'a encore laissé de commentaire.
Soyez donc le premier !